Papa mitrailleur
A French translation of the story of my father's first mission in WW2 with Operation Carpetbagger
Last September, I wrote about the 80th annniversary of my father’s first mission with Operation Carpetbagger, the Allies’ secret plan to aid the French Resistance. It’s been shared by a number of folks over here, and Charles de Cock was kind enough to translate the piece into French.
II y a quatre-vingts ans (en 1944), Earl G. Russell enfilait un blouson en cuir de bombardier et des lunettes d’aviateur pour monter dans un B-14 liberator sur la base RAF (Royal Air Force) de Harrington dans le sud-est de l’Angleterre. Il prenait sa position dans la queue de la machine convertie et équipait sa mitraillette lourde. Cela faisait à peine 10 semaines qu’il avait appris à la manipuler, monté sur le dos d’un pick-up sautillant dans un camp d’entraînement de l’armée au Texas.
Trois agents de la Résistance montaient derrière lui. Mon père avait 19 ans, juste 6 semaines avant son vingtième anniversaire. A peu près un an plus tôt il était au lycée, à l’ouest de Philadelphie. Maintenant il était en train de se préparer pour sa première mission dans une des plus audacieuses opérations clandestines de la Deuxième Guerre Mondiale : Opération Carpetbagger (Opération ‘Opportuniste’). 1
Pendant les neuf mois suivant, lui et les sept membres de son équipe allaient voler pour plus de 40 missions, à travers l’Europe vers la France, les Pays-Bas, la Norvège, le Danemark et l’Allemagne : ils parachutaient des espions, des conteneurs avec des armes, de l’essence et du ravitaillement pour les troupes et les Résistants. Leur scadron faisait partie d’un groupe de Armée de l’Air, sous la direction du Bureau des Services Stratégiques du général ‘Wild Bill’ Donovan, le précurseur de la CIA.
L’ensemble des équipes des ‘Opportunistes’ ont effectué plus 2000 missions pendant la dernière année de la Deuxième Guerre Mondiale, parachutant plus de 600 agents, armes et ravitaillements, des tracts de propagande et même des pigeons voyageurs. Ils volaient dans des bombardiers dépouillés, peints en noir pour se cacher dans le ciel de nuit alors qu’ils passaient au dessus de territoire ennemi. Naviguant à une petite centaine de mètres au dessus des arbres, ils suivaient rivières et lignes de chemin de fer vers des groupes de la Résistance qui signalaient leur localisation au sol avec des torches et des lampes de poche. La tourelle de mitrailleuse, dans le ventre de ’appareil, avait été enlevée laissant une ouverture couverte de contre-plaqué, connue comme le Trou de Joe.
Les trois agents qui se blottissaient dans le dos du bombardier de mon père ne disaient rien. Même s’il avait pu les entendre par dessus le bruit des quatre moteurs de l’avion, il ne les aurait pas compris. Il ne parlait pas un mot de français. Pour lui et pour n’importe qui d’autre dans le bataillon, ils n’étaient que ‘Joe’.
Vers la fin de la nuit, ces agents anonymes allaient sauter à travers le trou, avec leur parachute, et arriver au sol. Leur destination, le matériel qu’ils portaient, leur mission, mon père n’en avait aucune idée. Ces informations étaient au dessus de son grade et l’ordre - non la menace- était de ne pas en parler. Ne jamais rien dire sur les ‘opportunistes’.
Bientôt, ces agents anonymes allaient sauter à travers le trou, avec leur parachute, et arriver au sol. Leur destination, le matériel qu’ils portaient, leur mission, mon père n’en avait aucune idée. Ces informations étaient au dessus de son grade et l’ordre - non la menace- était de ne pas en parler. Ne jamais rien dire sur les ‘opportunistes’. Cela a du lui rester car ce n’est que devenu adulte, dans la quarantaine, que j’ai commencé à entendre des fragments sur son service pendant la seconde guerre mondiale.
Après avoir déménagé en France, je me suis demandé s’il avait survolé mon petit coin de pays, la Bretagne. Imaginez l’ironie si ma nouvelle ville de domiciliation avait été libérée par mon père ! Il est décédé depuis sept ans maintenant alors je ne peux plus le lui demander. De toute façon les détails auraient été vagues. Après le jour de la Libération (VE-Day) il a profité d’une vie paisible de mari, père, ingénieur professionnel et bénévole dans des associations locales. C’est seulement dans les quinze dernières années de sa vie qu’il s’est senti libre de partager ses exploits, quand il rencontrait, à des réunions occasionnelles, d’autres ‘Opportunistes’ maintenant très volubiles. 3
Grâce à des souvenirs enregistrés avec un historien, ainsi qu’un rapport approfondi d’archivistes sur la Deuxième Guerre Mondiale, j’ai pu mettre en lumière certains détails de son service secret pendant la guerre : les membres de son équipe, les missions, les moments harassants quand son avion a été touché par l’ennemi.
Ces éléments ne m’auraient sans doute pas intéressés quand j’était plus jeune. J’étais le dissident typique de la période de la guerre du Vietnam, opposé à la guerre et hermétique aux exploits de guerre de la grande génération. Mes films de guerre préférés était le anti-establishment ‘Kelly’s Héroes’ et ‘MASH’. Je restais assis quand on jouait l’hymne national. 4
Et, honnêtement, quand j’ai quitté les Etats-Unis, pris dans l’étau des Trumpistes fascistes, mon sentiment dominant était des regrets sur l’état de mon pays natal, mais pas de la fierté.
Venir en France a changé ma perspective sur le patriotisme. Quand je me balade autour de Rennes, je vois des exemples poignants d’héroïsme, particulièrement parmi les membres de la Résistance. J’ai entendu des histoires sur leur pertes, la honte de la collaboration, leur résilience et les armes ouverts avec lesquels ils on reçu les soldats américain. Les mémoriaux avec les nom de cheminots exécutés, les rues reconstruites portant le nom des martyrs, les hommages pour les Alliés qui sacrifiaient leur vie en libérants le pays, le son de la Marseillaise – m’ont donné, dans mes vieux jours, une vue nouvelle, inattendue sur l’amour pour son pays.
Et plus que jamais j’aimerais pouvoir parler à mon père.
Deux jour avant sa première mission, mon père prenait la pose sous l’aile de leur avion de ‘Br’er Rabbit’ avec ses sept équipiers. La photo montre un groupe de jeunes hommes, personne n’a l’air plus vieux que 30 ans. Ils étaient arrivés à la base aérienne au Nord de Londres à peu près un mois plus tôt après avoir traverser l’Atlantique. L’après-midi du 9 septembre leur pilote, Victor Hansen, et son navigateur, Richard E Bellgardt, participaient à un briefing pendant lequel ils recevaient les détails de leur mission.
Nom de code : Percy 65
Destination : Soubrebost, un village paysan au centre France à environ 300 kilomètres à l’ouest de Lyon
Décollage : 22h00 temps militaire
Il y aurait cette nuit 15 missions ‘opportuniste’ avec chacune un B-24 volant solo au dessus de territoire ennemi.
Avant de rejoindre l’armée, mon père n’était quitté sa maison (dans le quartier Mantua de Philadelphie) que pour le camp de Boy Scout dans Bucks County. Maintenant que les troupes alliées se propageaient sur la France en chassant les nazis vers le Rhin, il se trouvait en train de se préparer à voler au dessus de la Manche, en support d’une mission secrète pour fournir à la Résistance française des armes et du matériel.
Je peux m’imaginer l’état de ses nerfs. Des accident étaient assez courants, pas seulement à cause du feu ennemi mais aussi à cause de collisions avec des arbres et des collines, car les libérateurs volaient proches du sol. Ainsi la veille, un autre B-24 de son unité avait quitté Harrington avec des flammes rouge clair, sortant du moteur surchauffé. L’équipage avait réussi à se sauver alors que l’appareil entrait en vrille, mais le pilote de 20 ans, en maintenant les contrôles assez longtemps pour éviter un petit village, s’était tué en s’écrasant dans un champ.
Des documents montrent que le ‘Br’er Rabbit’ décollait à 22h07 sans incident et se dirigeait vers le sud-est de la France. Il évitait les îles de la Manche encore occupées par les allemands et volait au dessus de la Normandie vers le lieu de largage. L’avion volait, dans la nuit illuminée par la lune, sans lumières, à peine 200 mètres au dessus du sol pour éviter d’autres avions. L’équipage observait le sol pour repérer des indices qui guideraient leur chemin.
Comme mitrailleur de queue, mon père maniait la seule arme à bord – une mitraillette calibre 50 qui tirait à travers une ouverture à la queue de l’appareil. Les autres armes avaient été enlevées pour alléger le poids car le bombardier était rempli de matériel qui allait être parachuté à la Résistance.
Beaucoup d’années plus tard, j’ai emmené mon père voir un spectacle aérien qui incluait un B-24 remis à neuf. En montant du tarmac dans l’engin, j’ai été frappé par sa petitesse. Cela semblait tout fragile avec l’intégrité structurelle d’un vieux van VW. Il m’a montré sa position et comment il pouvait voir les ‘Joe’ être parachutés au sol.
La mission des agents était naturellement secrète. A ce moment de la guerre, avec les nazis en fuite, les missions étaient presque certainement de convoyer des armes et de l’équipement pour des camarades en support de l’opération ‘Dragoon’, l’invasion alliée de la Provence par le sud. Une douzaine de conteneurs dans la soute à bombes étaient chargés de matériel. 5
Après presque trois heures de vol, Hansen et son équipage repéraient une ligne de lumière rouge. Une lumière blanche émettait le signal morse pour la lettre A. Point-tiret…point-tiret – le code secret de la Résistance qui confirmait la zone de parachutage pour cette mission. Il était 1h 18. Le bombardier, volant à 220km/heure, descendait à 130 mètres au dessus d’un champ à l’extérieur du village – pas très loin de l’endroit où deux mois plus tôt le maire de Soubrebost avait été exécuté par les Nazi pour avoir cacher du matériel parachuté dans une mission antérieure des ‘Opportunistes’.
De ‘Br’er Rabbit’ faisait deux passes au dessus du site et en deux minutes il parachutait tout ce qui était à bord – y compris les 3 ‘Joe’. Mon père, de son poste dans la queue du B-24, regardait leurs parachutes s’ouvrir.
Il ne les reverrai pas et n’entendrait plus jamais parler d’eux.
Le B-24 retournait vers le nord, vers la Manche, la mission n’était pas encore finie.
Hansen savait que même trois mois après le D-Day , les allemands continuaient d’ occuper Jersey et Guernesey, les deux îles les plus grandes de la Manche. D’une façon ou d’une autre, le bombardier approchait trop d’Alderney, un caillou de 4,5 km de long où Hitler avait forcé 6000 travailleurs esclaves de construire des fortifications et des batteries antiaériennes.
Bien que le bombardier grimpa jusqu’à 9.725 mètres, l’artillerie allemande touchait le bombardier. Le rapport de mission décrit le tir antiaérien comme modéré.
Mon père racontait plus tard à un historien, sans en faire un plat, que le shrapnel perçait l’avion à un mètre d’où il se trouvait.
Personne n’était blessé. L’avion réussit à atteindre Harrington sans autre problème. Par tradition, un verre d’alcool était donné à tout l’équipage pour calmer leurs nerfs (je doute qu’il l’ait bu car il ne buvait pas d’alcool).
Après la guerre, quand il retourna à Philadelphie, il suivait l’école du soir, fondait une famille avec ma mère et construisait une longue carrière comme ingénieur en structures. Mon père parlait très peu de son service militaire – même si une photo noir et blanc granulée, de lui et ses copain d’équipage sous l’ail du ‘Br’er Rabbit’, était accrochée au mur, au dessus de son bureau jusqu’au jour de sa mort.
Comme enfant, souvent assis à côté de lui à son bureau, la photo m’intriguait. Qu’est ce qu’il faisait pendant la guerre? Avait il jamais descendu un avion ennemi? Est-ce que mon père était un héros?
Certaines de ces question recevaient une réponse en 2015, quand le gouvernement français nommait Earl G. Russell Chevalier de la Légion d’Honneur pour son rôle comme membre des ‘Opportunistes‘. La cérémonie, à l’ambassade française à Washington, a été un grand moment de fierté pour lui et tout la famille.
Maintenant que j’ai commencé à parcourir ses souvenirs de guerre, je sais, que non, il n’a pas libéré Rennes. Cela est arrivé quelques jour avant qu’il arrive à Harrington.
Mais en vivant dans une nation où il y a des mémoires omniprésentes d’une guerre qui a pris fin il y a 80 ans, je suis frappé par quelque chose de plus touchant. C’est que la France valorise le service des hommes comme mon père. Les américains qui ont servi pendant la deuxième guerre mondiale sont aimés ici. Partout il y a des mémoriaux et des plaques qui marquent leur sacrifice. Les cimetières où les restes des soldats américains reposent sont entretenus par les écoliers locaux. Notre bibliothèque montre des extraits d’émissions de télévision montrant les citoyens de Rennes brandissants des drapeaux pour souhaiter la bienvenue aux troupes quand leurs Jeeps entrent sur la Place de la Mairie. A la fête de la Libération la plus récente, une fanfare militaire a joué ‘Star and Stripes Forever’.
C’est plus que du patriotisme, la France est reconnaissante.
Et je me demande si c’est cela qu’il me manque en Amérique de nos jours.
Note : Je ne suis pas un expert militaire. Je me base sur des recherches de différentes sources. En particulier, feu Thomas I. Ensminger, un historien militaire, a compilé un trésor de matériel sur son site à propos des ‘Opportunistes’. Si vous remarquez une erreur dans ce rapport, faites le moi savoir s’il vous plaît.
Les notes de bas de page suivantes sont fournies par le traducteur.